Visite des tombes du point de vue wahhabite
Les fondateurs du wahhabisme tiennent des differentes propos au sujet de la visite des tombes. D’un côté, ils considèrent cette visite comme permis (jâ'iz ), mais dans la pratique, ils s’opposent à ce qu’il soit accompli. De plus, ils jugent que voyager pour visiter les tombes est interdit (harām ) et une cause d’associationnisme (Shirk ). À l’appui de leur point de vue, ils invoquent un hadith attribué au Prophète de l’islam (s).
Précepte concernant la vusute des tombes
Ibn Taymîyya a déclaré : « Il n’y a pas d’obstacle au pèlerinage aux tombes, ou la visite légale (ziyârat shar‘îyya), pour celui qui s’en approche avec cette intention. »(((1)))
Muhammad b. Abd al-Wahhâb a affirmé : « Celui qui voyage vers Médine doit avoir l’intention de se rendre à la mosquée du Prophète (s) (Masjid an-Nabî). Après être arrivé à la mosquée, les hommes peuvent visiter la tombe du Messager de Dieu (s), mais les femmes n’ont pas le droit de faire ce pèlerinage. »(((2)))
Les wahhabites soutiennent que la visite des tombes est permis sans problème pour les hommes, mais selon certains récits, il est déconseillé (al-Makrûh ) pour les femmes.(((3))) Cependant, ils croient fermement que toucher la tombe, y poser les mains, invoquer à côté d’elle ou faire des vœux pour elle ne font pas partie de la religion des musulmans. Ils considèrent ces actes comme des innovations blâmables (al-Bid‘a) et parmi les causes de l’associationnisme (Shirk).(((4)))
Comportement pratique des wahhabites à l'égard de la visite des tombes Bien que les wahhabites considèrent la visite des tombes comme permis (Jâ'iz) en se basant sur certains récits, mais dans la pratique, ils empêchent ce type de visite. Au début de son activité, Muhammad b. Abd al-Wahhâb, sous prétexte que les tombes des saints et des prophètes (a) étaient visitées par les musulmans, a massacré des musulmans et, selon son propre terme, a lancé des « raids » (ghazawât) contre eux. Il les accusait d’adorer les tombes et déclarait leur sang, leurs biens et leur honneur licites (halâl).(((5)))
En raison de ces actions, Muhammad b. Abd al-Wahhâb est devenu impopulaire et contesté parmi les musulmans. Pour se défendre, il a prétendu que ces accusations étaient des calomnies portées contre lui. Dans sa défense, il a déclaré : « Ce qui est dit à mon sujet – que j’ai excommunié ceux qui cherchent l’intercession des saints, que si j’en avais le pouvoir, j’aurais détruit la chambre du Messager de Dieu (s), retiré le chéneau en or du Kaaba pour le remplacer par un chéneau en bois, et interdit la visite de la tombe du Prophète (s) ainsi que celle des parents décédés – tout cela n’est qu’une accusation mensongère portée contre moi. »(((6)))
Interdiction du voyage pour visiter les tombes
La position des wahhabites, qui rejettent même le principe de la visite des tombes, découle de leur point de vue sur les voyages effectués à cette objectife. Ils considèrent sans justification convaincante que voyager pour visiter une tombe est interdit (Harâm ), une innovation blâmable (Bid‘a ), et même un acte d’associationnisme (Shirk). Les wahhabites affirment unanimement que les musulmans sont d’accord sur l’interdiction de tels voyages. Selon eux, les propos des savants montrent clairement qu’il est interdit de voyager pour visiter des tombes.(((7)))
Les wahhabites se basent sur un hadith selon lequel : « Les voyages ne doivent être entrepris que vers trois mosquées : la Mosquée sacrée (Masjid al-Harâm), ma mosquée (Masjid an-Nabî) et Masjid al-Aqsâ. »(((8))) Sur cette base, ils déclarent que voyager pour visiter des tombes est strictement interdit (harâm ) et affirment que tous les imams des écoles juridiques sunnites sont unanimes sur ce précepte. Ils prétendent également que les compagnons du Prophète (s) avaient compris cette interdiction dans le hadith « Lâ Tushadd ar-Rihâl » (« Ne voyagez pas… »). Les wahhabites accusent ceux qui permettent ces voyages, comme certains savants postérieurs (par exemple, as-Subkî, Abû Hâmid al-Ghazâlî, Abû Muhammad al-Muqaddasî, et d'autres), d’être des innovateurs (Mubtadi‘a). Ils considèrent leurs avis comme contraires aux hadiths et constituant une violation du consensus des ulémas (al-Ijmâ‘ ).(((9))) Si visiter les tombes est permis, alors aucun argument ne peut justifier l’interdiction de voyager pour cela ou en faire une innovation blâmable ou un acte interdit. Par conséquent, la visite des tombes n’est ni une innovation ni interdite – comme Ibn Taymîyya et Muhammad b. Abd al-Wahhâb semblent l’admettre lorsqu’ils ne voient pas d’obstacle légal (Shar‘î ) au principe de la visite –, alors il n’existe aucune raison pour que voyager avec cette intention soit transformé en un acte interdit ou illicite. Cela montre donc que, selon eux, la visite elle-même pose problème, car c’est ce qui rend le voyage interdit et considéré comme une innovation.
De plus, si les wahhabites considèrent que visiter les tombes sans voyage est permis, une telle situation ne serait concevable que pour ceux qui résident déjà dans la ville où se trouve la tombe. Cependant, personne d’autre, vivant dans d’autres villes, n’aurait, selon la logique wahhabite, le droit de visiter ces tombes, à moins qu’il ne voyage pour un autre motif tel que le commerce, le tourisme ou d’autres objectifs mondains. Dans ce cas, il pourrait visiter la tombe accessoirement tout en accomplissant ses activités séculières. Mais comment est-il acceptable que voyager avec l’intention spécifique de visiter une tombe – qui est en soi licite selon eux – soit considéré comme interdit et innovateur, tandis que des objectifs mondains rendraient le voyage licite ? Plus encore, même ceux qui résident dans la ville où se trouve la tombe ne devraient pas, selon cette logique wahhabite, sortir de chez eux avec l’intention de visiter la tombe, car même ce court trajet effectué dans ce but devrait être considéré comme interdit et illicite.
Ainsi, selon cette base doctrinale wahhabite, les habitants de Médine n’auraient pas le droit de se rendre à la tombe du Prophète de l’islam (s) à moins qu’ils ne passent accidentellement devant celle-ci pour une autre raison et la visitent alors par hasard.
Ambiguïté de la visite pieuse dans la doctrine wahhabite
La réalité de la visite pieuse selon les principes wahhabites est extrêmement ambiguë. En réalité, ce qu’ils considèrent comme permis (jâ'iz ) ne correspond pas véritablement à un pèlerinage. Ils affirment que le principe de visite des tombes est licite, mais toucher la tombe, faire des invocations, chercher une bénédiction (Tabarruk), ou d’autres actes similaires près de la tombe sont des innovations blâmables (Bid‘a) et des formes d’associationnisme (Shirk). Par conséquent, la « visite pieuse » qu’ils jugent permise n’est en fait pas réalisable. Ils n’autorisent même pas de se tenir face à la tombe.
Pour soutenir cette affirmation, ils citent l’exemple d’Anas b. Mâlik, qui, après avoir salué le Prophète (s), s’est appuyé contre le mur de la tombe en lui tournant le dos, puis a récité une invocation.(((10))) Ils utilisent cet exemple de manière tout à fait inappropriée pour justifier l’interdiction de voyager vers une tombe, en disant : « Si voyager pour visiter une tombe était permis, Anas b. Mâlik n’aurait pas dû invoquer en tournant le dos à la tombe. »(((11))) Cependant, tourner le dos à la tombe n’a aucun rapport avec l’interdiction de voyager.
Ainsi, la seule chose qui pourrait éventuellement être considérée comme permise par les wahhabites est peut-être le fait de saluer le propriétaire de la tombe, rien de plus. Mais même cela n’a pas été explicitement autorisé par eux.
Sources
- Ibn Taymiyya al-Harrânî, Ahmad ʿAbd al-Halîm, Kutub wa rasâʾil wa fatâwâ B. Taymiyya, éd. ʿAbd al-Rahmân b. Muhammad al-Qâsim al-ʿÂsimî al-Najdî, s.l., 2e éd., s.d., Maktabat B. Taymiyya, vol. 26, p. 150.
- Ibn Bâz, ʿAbd al-ʿAzîz et Muhammad b. Sâlih al-ʿUthaymîn, Fatâwâ muhimma, Riyad, Dâr al-ʿÂsima, 1ère éd., 1413 H, éd. Ibrâhîm al-Fâris, p. 104.
- Muhammad b. ʿAbd al-Wahhâb, Mukhtasar al-Insâf wa al-Sharh al-Kabîr, Riyad, Matâbiʿ al-Riyâd, 1ère éd., éd. ʿAbd al-ʿAzîz b. Zayd al-Rûmî, M. Baltâjî et Sayyid Hijâb, p. 223.
- Muhammad b. ʿAbd al-Wahhâb, Fatâwâ wa masâʾil Muhammad b. ʿAbd al-Wahhâb, Arabie Saoudite (Riyad), Jâmiʿat al-Imâm Muhammad b. Suʿûd, s.d., éd. Sâlih b. ʿAbd al-Rahmân, p. 69.
Sâlih b. ʿAbd Allâh al-ʿAbbûd, ʿAqîdat Muhammad b. ʿAbd al-Wahhâb al-Salafiyya wa atharuhâ fî al-ʿâlam al-Islâmî, Arabie Saoudite (Médine), ʿImâdat al-Bahth al-ʿIlmî bi-Jâmiʿat al-Islâmiyya, 2e éd., 1424 H/2004, vol. 2, p. 723. Muhammad b. ʿAbd al-Wahhâb, Al-Fatâwâ, Riyad, Matâbiʿ al-Riyâd, 1ère éd., éd. Sâlih b. ʿAbd al-Rahmân al-Atram et Muhammad b. ʿAbd al-Razzâq al-Dawîsh, p. 60.
- Najdî, Husayn b. Ghannâm, Târîkh Najd aw Rawdat al-afkâr wa al-afhâm, Beyrouth, Dâr al-Shurûq, 4e éd., 1415 H/1994, éd. Nâsir al-Dîn Asad, p. 95–203.
Najdî Hanbalî, ʿUthmân b. ʿAbd Allâh b. Bishr, ʿUnwân al-majd fî târîkh Najd, Riyad, Matbûʿât Dârat al-Malik ʿAbd al-ʿAzîz, 4e éd., 1402 H/1982, vol. 1, p. 45–180.
- Muhammad b. ʿAbd al-Wahhâb, Muʾallafât Muhammad b. ʿAbd al-Wahhâb fî al-ʿaqîda, Riyad, Jâmiʿat al-Imâm Muhammad b. Suʿûd, p. 12et64.
- B. Taymiyya al-Harrânî, Abû al-ʿAbbâs Ahmad ʿAbd al-Halîm, Kutub wa rasâʾil wa fatâwâ ibn Taymiyya, Maktabat ibn Taymiyya, 2e éd., s.d., s.l., éd. ʿAbd ar-Rahmân b. Muhammad al-Qâsim al-ʿÂsimî al-Najdî, vol. 26, p. 150.
- Ahmad b. Hanbal, Musnad Ahmad, Beyrouth, Dâr Sâdir, s.d., vol. 2, p. 278.
- Sulaymân b. ʿAbd Allâh b. Muhammad b. ʿAbd al-Wahhâb, Sharh Kitâb al-Tawhîd, Riyad, Maktabat al-Riyâd al-Hadîtha, s.d., p. 312.
- Sulaymân b. ʿAbd Allâh b. Muhammad b. ʿAbd al-Wahhâb, Taysîr al-ʿAzîz al-Hamîd, Beyrouth, 1ère éd., 1999, éd. Muhammad Ayman al-Shubrâwî, p. 293.
- Sulaymân b. ʿAbd Allâh b. Muhammad b. ʿAbd al-Wahhâb, Taysîr al-ʿAzîz al-Hamîd, Beyrouth, 1ère éd., 1999, éd. Muhammad Ayman al-Shubrâwî, p. 293.