Conditions pour le successeur du Prophète (s)

Question

Quelles sont les conditions que les chiites et les sunnites considèrent comme nécessaires pour le successeur du Prophète (s), et quelles sont les différences entre ces deux sectes à cet égard ?

Le philosophe et théologien chiite, Khâdja Nasîr ad-Din at-Tûsî, dans son livre Risâlatun fi al-Imâma (Traité sur l’Imamat), a décrit les huit caractéristiques essentielles de l’Imam, qui sont : L'infaillibilité (I`sma), la connaissance de la législation et de la gestion, le courage, l'excellence dans les vertus, la pureté corporelle et spirituelle, la proximité avec Dieu, la capacité de réaliser des miracles, l’unité de la mission. Selon la vision chiite, l’Imam doit être désigné par Dieu pour pouvoir remplir correctement ses responsabilités en matière de guidance et de préservation de la religion. Il est donc interdit à quiconque de choisir lui-même un tel individu pour ce rôle. Les chiites considèrent l'infaillibilité comme une caractéristique clé de l’Imam, car sans elle, la confiance dans la législation divine serait compromise. Les sunnites considèrent plusieurs conditions pour l’Imam, telles que : Être membre du clan des Quraychites, l’équité (justice), la maturité (puberté), le courage.

Cependant, il existe des divergences concernant certaines autres qualités comme l’érudition (Ijthâd) et la compétence (kifâ'a). La majorité des sunnites insistent sur la nécessité que l’Imam soit issu de la tribu des Quraychites, bien que certains groupes, comme les Khâwarij et certains Mu`tazilites, rejettent cette condition. Les sunnites estiment que l’Imam n'a pas besoin d’être infaillible. En effet, même s'il commet des erreurs, il reste obligatoire de lui obéir. Néanmoins, il existe des divergences parmi les sunnites sur cette question, et en raison de l'absence de certaines qualités chez les premiers califes (Abû Bakr, Umar et Uthmân), certains considèrent que ces caractéristiques ne sont pas indispensables pour l’Imam.

Conditions de l'Imam selon les Chiites

Parmi les théologiens chiites, Khwâjah Nasîr ad-Dîn at-Tûsî présente la liste la plus complète des qualités de l'Imam dans son traité sur l'Imamat. Il considère huit caractéristiques essentielles comme nécessaires pour l'Imam : l'infaillibilité ('Isma), la connaissance des règles de la charia et de la gestion, le courage, l'excellence des traits de caractère, l'absence de défauts corporels, spirituels et généalogiques, la proximité de Dieu dans le mérite des récompenses de l'au-delà, la capacité de produire des miracles en cas de besoin, et l'unité dans la fonction d'Imamat.(((1))) Les Chiites Imamites considèrent le califat et l'Imamat comme des positions divines, tout comme la prophétie. La responsabilité du calife et de l'Imam est de préserver la charia, d'exprimer et de prêcher la religion, et de résoudre les problèmes de la communauté religieuse. Ainsi, des conditions et des caractéristiques particulières sont considérées comme nécessaires pour l'Imam, de sorte que si quelqu'un ne possède pas ces qualités, il ne peut certainement pas être l'Imam et le successeur du Prophète (s).(((2)))

Infaillibilité

Modèle:Article principal L'Imam et le calife doivent être infaillibles, c'est-à-dire exemptes de péchés, d'erreurs et de fautes. Si l'Imam n'est pas infaillible, la confiance en la charia serait détruite ; en effet, si celui qui garde la religion commet un péché ou une erreur, il pourrait ajouter quelque chose à la religion et l'attribuer à Dieu, ou agir de manière injuste dans un jugement. De plus, les gens ordinaires sont sujets à l'erreur et ont besoin de quelqu'un pour les empêcher de commettre des péchés et des erreurs et pour les guider sur le droit chemin. Si l'Imam est également sujet à l'erreur, cela conduirait à la contradiction du but recherché.(((3)))

Investiture divine

L'Imamat et le califat sont la représentation de Dieu et du Prophète (s) ; ils doivent donc être établis par la désignation explicite de Dieu et du Prophète (s). Et puisque la manière de leur établissement est limitée à la désignation par Dieu et le Prophète, les autres n'ont pas le droit de désigner l'Imam ; en effet, si la désignation de l'Imam était laissée à la discrétion des gens, des divergences apparaîtraient parmi eux, chaque groupe choisissant quelqu'un et le préférant aux autres. Ainsi, l'Imam doit absolument être désigné par Dieu et le Prophète (s).(((4)))

Science

Selon les théologiens chiites, l'Imam et le calife du Prophète (s) doivent être compétents dans tout ce dont les musulmans ont besoin, tant dans les affaires religieuses que mondaines, car l'objectif de la nomination de l'Imam est que les musulmans se tournent vers lui pour résoudre tous leurs problèmes. Les Chiites Imamites considèrent que la science et la compétence en matière d'Imamat doivent être à leur plus haut niveau. Les sources chiites indiquent que l'Imam doit posséder une connaissance absolue et infaillible de toutes les sciences et règles islamiques, car sans cette connaissance, l'objectif de l'Imamat, qui est la préservation et l'explication des règles de la charia, ne sera pas complètement atteint.(((5)))

Supériorité

L'Imam doit être supérieur à tous les musulmans dans toutes les qualités parfaites telles que la science, la sagacité, la générosité, la chevalerie, le courage, la libéralité, la justice, la piété, l'adoration, et être le plus excellent.(((6))) La supériorité de l'Imam est l'une des croyances partagées par certaines sectes telles que les Zaydites et les Ismaéliens. De plus, certains, comme Mulla Sadra, croient que les Imams sont supérieurs à toutes les autres créatures dans leur création et possèdent des degrés plus élevés dans l'ordre de la création.(((7)))

Opinion des Sunnites sur l'Imam

Sa'd ad-Dîn at-Taftâzânî, dans une liste relativement complète, énumère les conditions de l'Imam selon les Sunnites : la maturité, la justice, la liberté, l'être homme, l'ijtihad, le courage, la capacité de gestion et l'appartenance à la tribu Quraysh. Il explique que les quatre premières conditions sont largement acceptées, mais qu'il existe des divergences concernant l'ijtihad, le courage et la compétence ; certains théologiens ne considèrent pas ces conditions comme obligatoires, car la rareté de ces qualités pourrait imposer des devoirs excessifs ou inutiles. L'appartenance à la tribu Quraysh est également acceptée par la majorité des musulmans, mais les Khawârij et certains Mu'tazilites y sont opposés.(((8))) Ahmad b. Abd al-Wahhâb an-Nuwayrî, dans son livre Nihâyat al-Arab fi Funûn al-Adab, mentionne plusieurs catégories de conditions qu'il considère nécessaires pour la fonction d'Imam. Il classe ces conditions en deux catégories : celles qui sont conventionnelles et celles qui sont religieuses. Il poursuit ensuite ses explications en rapportant les conditions de l'Imam dans une classification générale.(((9)))

Condition de la lignée

La première condition que les sources sunnites ont établie pour l'Imam est l'appartenance à la tribu Quraysh. Selon un hadith auquel les Sunnites se réfèrent, l'Imam doit être Qurayshite. Ainsi, si parmi les Quraysh il n'y a personne qui remplisse les conditions nécessaires pour l'Imamat, l'Imam doit être choisi parmi la tribu la plus proche des Quraysh, à savoir la tribu de Kinânah. En l'absence de personne qualifiée dans cette tribu, il sera choisi parmi d'autres Arabes.(((10)))

Science

La deuxième condition importante pour l'Imamat selon les Sunnites est la connaissance et la compréhension des affaires religieuses par l'Imam. L'Imam doit être capable de comprendre la gestion des aumônes, la question du jihad et la répartition des butins de guerre. L'argument avancé pour cette condition est que si l'Imam ne possède pas une connaissance suffisante des détails juridiques et religieux, il ne sera pas en mesure de les mettre en œuvre. An-Nawawî a déclaré à ce sujet : « La présence d'un Imam qui ne sait pas ce qu'exige l'Imamat ne diffère en rien de l'absence d'un Imam. »(((11))) Les sources sunnites soulignent que l'Imam doit également avoir de la prudence et du courage dans les affaires publiques, le recrutement de l'armée et la défense des frontières, et posséder la capacité de prendre des décisions justes sans être influencé par ses propres désirs.(((12)))

Justice

Selon ce qui est rapporté dans les sources théologiques sunnites, l'Imam doit être juste et respecter la justice dans ses affaires religieuses et transactionnelles. Selon un argument avancé par certains Sunnites, étant donné que l'état de pervers (Fâsiq) est hors du domaine de la foi, une personne dans cet état ne pourra pas exercer l'Imamat sur les musulmans. Si un érudit de la tribu Quraysh est injuste et un autre est juste mais non érudit, le juste doit être désigné Imam, et si nécessaire, ses décisions doivent être prises en consultation avec les savants religieux.(((13))) Certaines sources théologiques sunnites affirment que l'Imam doit être juste et pieux pour pouvoir guider les gens vers la vérité, car une personne injuste n'a pas la qualification pour diriger. Les Sunnites croient que si des ennemis se soulèvent contre le gouvernement, il faudra, si nécessaire, lutter contre eux. Cependant, la défense d'un gouverneur tyrannique n'est pas permise, et le gouverneur doit s'efforcer de préserver la justice.(((14))) Nomination par l'Imam précédent ou l'élection par quarante croyants

Si une personne remplit toutes les conditions nécessaires pour l'Imamat, et si l'Imam précédent l'a désignée comme son successeur, il n'y a aucune objection à sa nomination. Si l'Imam précédent ne l'a pas désigné comme successeur, mais qu'il est nécessaire de nommer un nouvel Imam pour les musulmans, quarante personnes justes et savantes parmi les musulmans peuvent, après étude et ijtihad, élire l'Imam. Dans cette élection, la personne la plus savante doit être choisie en premier, suivie des autres individus non savants.(((15)))

Le juge Abd ar-Rahmân al-Îjî à ce sujet dit : « L'Imamat est établi par le serment d'allégeance, comme dans le cas de l'Imamat d'Abu Bakr… L'unanimité de la communauté n'est pas nécessaire pour établir l'Imamat par le serment d'allégeance, car il n'y a pas de preuve rationnelle ou textuelle qui exige que toute la communauté prête serment pour que l'Imamat soit établi ; un serment d'allégeance de une ou deux personnes parmi les détenteurs du pouvoir de décision suffit pour établir l'Imamat. »(((16))) Rejet de certaines conditions de l'Imamat

Étant donné que les trois califes après le décès du Prophète de l'Islam (s) ne possédaient pas certaines des conditions requises pour l'Imamat, cela a conduit à des divergences parmi les savants sunnites concernant les conditions de l'Imam. Le juge Abd ar-Rahmân al-Îjî, dans son livre Mawâqif, mentionne ces conditions et précise en disant : « Les Imamites affirment que l'Imam doit être Hâshimite, connaisseur de toutes les questions religieuses, capable de miracles et infaillible, mais nous ne croyons pas à ces conditions, en raison du califat d'Abu Bakr, car il est devenu Imam sans avoir ces qualités. »(((17)))

Le juge Abu Bakr al-Bâqalânî dit : « Il n'est pas nécessaire que l'Imam soit infaillible en matière de péché et d'erreur ; il n'est pas nécessaire que l'Imam soit le meilleur de la communauté, ni que sa science dépasse celle des autres membres de la communauté. La majorité dit : si l'Imam devient un pervers, ou fait du tort aux gens, ou leur vole leurs biens, ou tue des gens, ou néglige les droits des gens, ou suspend les peines prescrites, il ne sera pas déposé de son Imamat, et il n'est pas permis au peuple de se soulever contre lui ; au contraire, l'obéissance aux Imams est obligatoire, même s'ils sont injustes. »(((18)))

Références

1. Tûsî, Nasîr ad-Dîn, Talkhîs al-Mohassal (en arabe), Beyrouth, Dâr al-Adhwâ’, p. 429-430, 1405 H.
2. Subhânî, Ja‘far, Dânishnâmiyi Kalâmi Islâmî, vol. 1, Qom, Mu’assisiyi Imam Sâdiq, p. 426-430, 1387 Sh.
3. Khwânsârî, Muhammad Bâqir, Insâf dar Imâmat, p. 35, Nashri Sadûq, 1371 Sh.
4. Khwânsârî, Muhammad Bâqir, Insâf dar Imâmat, p. 31, Nashri Sadûq, 1371 Sh.
5. Subhânî, Ja‘far, Dânishnâmiyi Kalâmi Islâmî, vol. 1, Qom, Mu’assisiyi Imam Sâdiq, p. 426-430, 1387 Sh.
6. Khwânsârî, Muhammad Bâqir, Insâf dar Imâmat, p. 32, 1371 Sh.
7. Subhânî, Ja‘far, Dânishnâmiyi Kalâmi Islâmî, vol. 1, Qom, Mu’assisiyi Imam Sâdiq, p. 426-430, 1387 Sh.
8. Taftâzânî, Sa‘d ad-Dîn, Sharh al-Maqâsid (en arabe), vol. 5, Qom, Manshûrât ash-Sharîf ar-Razî, p. 244, 1409 H.
9. Nawawî, Ahmad, Nihâyat al-Arb fî Funûn al-Adab (en arabe), vol. 6, Le Caire, Dâr al-Kutub wa al-Wathâ’iq al-Qawmiyya, p. 1, 1423 H.
10. Nawawî, Ahmad, Nihâyat al-Arb fî Funûn al-Adab (en arabe), vol. 6, Le Caire, Dâr al-Kutub wa al-Wathâ’iq al-Qawmiyya, p. 1-3, 1423 H.
11. Nawawî, Ahmad, Nihâyat al-Arb fî Funûn al-Adab (en arabe), vol. 6, Le Caire, Dâr al-Kutub wa al-Wathâ’iq al-Qawmiyya, p. 2, 1423 H.
12. Al-‘Abdarî al-Gharnâtî, Muhammad b. Yûsuf, At-Tâj wa al-Iklîl li Mokhtasar Khalîl (en arabe), vol. 8, s.l., Dâr al-Kutub al-‘Ilmiyya, p. 366, 1416 H.
13. Nawawî, Ahmad, Nihâyat al-Arb fî Funûn al-Adab (en arabe), vol. 6, Le Caire, Dâr al-Kutub wa al-Wathâ’iq al-Qawmiyya, p. 2-3, 1423 H.
14. Al-‘Abdarî al-Gharnâtî, Mohammad ibn Yûsuf, At-Tâj wa al-Iklîl li Mokhtasar Khalîl (en arabe), vol. 8, s.l., Dâr al-Kutub al-‘Ilmiyya, p. 366, 1416 H.
15. Nawawî, Ahmad, Nihâyat al-Arb fî Funûn al-Adab (en arabe), vol. 6, Le Caire, Dâr al-Kutub wa al-Wathâ’iq al-Qawmiyya, p. 1-3, 1423 H.
16. Qâdî ‘Îjî, Al-Mawâqif, vol. 3, p. 594.
17. Qâdî ‘Îjî, ‘Abd al-Rahmân ibn Ahmad, Al-Mawâqif, vol. 3, p. 586, Beyrouth, Dâr al-Jîl, 1417 H.
18. Bâqilânî, Tamhîd al-Awâ’il wa Talkhîs al-Dalâ’il, p. 470, Beyrouth, Mu’assisiyat al-Kutub ath-Thaqâfiyya, 1414 H.